FESTICAB 2019: FATWA
Fatwa, la mort qui ne passe pas
Brahim Nadhour, le personnage principal du long-métrage Fatwa retourne au pays natal (la
Tunisie) pour enterrer son fils Marouane qu’il a eu de son premier mariage. Ce dernier vient de
mourir d’un accident de moto. Le père ne parvient à accepter que son fils se soit tué sur une route
qu’il connaissait aussi bien. Les rapports de police et les affirmations des voisins et des amis ne
lèvent pas totalement le doute du père meurtri qui se sent responsable de cette tragédie car c’est
lui-même qui avait offert la moto à son fils. Dans sa quête des circonstances exactes de la mort
de son enfant, il découvre la face cachée de sa vie en apprenant qu’il avait intégré le salafisme,
ce mouvement extrémiste qui prône un islam radical. Il découvre aussi que la femme de son
premier mariage, écrivaine et députée, vit sous menace des intégristes musulmans qui infestent
désormais le quartier. Une Fatwa (condamnation religieuse) a même été prononcée à son
encontrepar un Imam trop zélé. Dès lors il se lance corps et âme à la recherche du responsable
de la mort de son enfant
Ce drame de 102 minutes immerge le cinéphile dans l’univers dangereux du terrorisme islamique
que vivent beaucoup de pays depuis quelques années. Techniquement, le réalisateur mixe
savamment les plans d’ensemble et les gros plans tout en y insérant quelques plans moyens et
des prise en plongée ou légèrement en contre-plongée, peut-être pour ne pas que le téléspectateur
se laisse transporter par l’émotion. Est-ce pour le maintenir éveiller par rapport au thème du film
qui soulève déjà trop d’émotion ? Ou simplement pour ne pas verser de l’huile sur le feu ? Rien
n’est moins sûr. Toujours est-il que même la musique est pesée et parcimonieusement égrenée.
Au de-là de ce thème fréquemment traités par de nombreux cinéastes, Mohamoud Ben
Mouhamoud, le réalisateur de ce long-métrage, a su donner un autre regard sur le monde
musulman, celui de la femme musulmane qui n’accepte pas la dénaturation de l’islam qui est,
somme toute, une religion de paix. À travers Loubna, la mère de Marouane, le personnage
incarné par la talentueuse Ghalia Benali, on découvre le courage de la femme qui ne choisit pas
la voie de la facilité en tenant bec et ongles à ses convictions malgré les menaces de mort qui
pèse sur sa vie. Dans cette œuvre, on découvre avec amertume également que derrière les
oripeaux de l’islamisme rigoriste peuvent se cacher des visées moins avouables comme par
exemple éliminer l’amant de sa femme. Dans Fatwa, la limite entre la fiction et la réalité est
moindre. Tourné en langue arabe et dans le décor typiqued’une ville maghrébine, le film possède
une touche d’authenticité qui influe sur sa qualité.
Réalisé en 2018, Fatwa a déjà gagné plusieurs prix dont le Tanit d’or du meilleur film aux
Journées Cinématographiques de Carthage 2018 et l’Etalon de Bronze au Fespaco 2019.
Parfait Nzeyimana
Cet article a été écrit dans le cadre de l’atelier sur la critique cinématographique,
Festicab, juin 2019